Texte de Christiane
Lu à la présentation de Micheline Hamel
au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 2 juin 2018
Quoi qu’elle fasse, Micheline Hamel ne pouvait échapper à son destin. Sa personnalité, son esprit, sa vie créent une mélodie dont les premières mesures sont comme la voie ferrée menant à la gare de Saint-Gédéon, là où son grand-père, chef de gare, ramassait des éclats de verres et de métal pour en faire des objets d’art. Les murs couverts de bibliothèques chargées de livres, un piano habillant de sons l’univers des quatre enfants provoquent les passions de la famille Hamel. Tante Emma est devenue accompagnatrice à la cathédrale de Chicoutimi et David Narcisse, père de Micheline, directeur du chœur d’hommes de l’église Saint-Antoine où il chantait la messe tous les matins. David épouse Léosa Mathieu Claveau, pianiste formée par les Ursulines. Lors des années maigres, Léosa, mère de 8 enfants, donne des cours de piano afin de boucler le budget. Élève de Jean-François Brassard, elle devient l’organiste attitrée de son église.
Dès sa naissance, à Chicoutimi le 17 septembre 1947, l’existence de Micheline Hamel n’est que musique. Initiée très jeune au piano par sa mère, membre de chorales à toutes les étapes de son parcours, elle complète un Baccalauréat en pédagogie à l’Université de Montréal où elle se perfectionne en direction de chœur auprès de Jean-François Sénart. Formation précédée par des études au Conservatoire en flûte traversière, suivie d’ateliers sur la méthode d’enseignement Orff, de cours de direction chorale et d’ateliers d’exploration des instruments à vent.
En elle résonne le leitmotiv de son père : « T’es capable ». La jeune fille nommée à 15 ans chef de chœur de femmes dans sa paroisse, enseigne la musique au secondaire, initiant, en 33 ans, près de 10 000 enfants à la flûte à bec. Créatrice de l’option musique en secondaire 2, elle leur fait découvrir les 4 flûtes : soprano, alto, ténor et basse. Elle s’investit dans le parascolaire, dirigeant l’ensemble Les Saltimbanques, formés de 100 jeunes garçons et filles, plusieurs fois Médaillé d’or au Festival de musique du Royaume.
En 1968, Mme Hamel épouse Yvan Desbiens, docteur en pédagogie de l’Université Laval, enseignant au secondaire et chargé de cours à l’Université du Québec à Chicoutimi. Il est l’auteur des livres, L’enseignement et la gestion adaptée et Analyse sociale du territoire. Dignes fils de ce duo, Philippe, violoniste a étudié en théâtre et production, Antoine, guitariste est mécanicien spécialisé en ascenseur et Sébastien, violoncelliste, s’est donné des ailes comme pilote d’avion.
Lorsqu’elle prend sa retraite, Micheline Hamel trouve un nouveau chœur, l’ensemble vocal Euphonie fondé par Monique Boisvert, formé des retraités de l’enseignement. Les 12 compagnons du début se multiplient en 7 dizaines. Chef de ce chœur depuis 2003, Micheline pousse la note sous forme de plusieurs albums et de prestations en compagnie d’artistes de prestige à la Cathédrale de Chicoutimi : la soprano Marie-Josée Lord et le ténor Karoly Lavoie en décembre 2013; les sopranos Nathalie Choquette, Éléonore Lagacé, et le baryton, Etienne Dupuis en 2014.
Née musicienne presque malgré elle, Micheline Hamel a le sentiment de n’avoir rien choisi. Elle succombe avec passion. Son hésitation ne dure que le temps d’une rose pour fleurir avec la résistance d’une ancolie. Parmi ses ancêtres, il y a bien Joseph Légaré dont une œuvre ornait le salon familial, son grand-père artisan, son père suivant des cours de vitrail auprès d’Harold Bouchard, mais il faudra la force persuasive d’une amie pour la convaincre de s’inscrire aux cours d’aquarelle du frère Jérôme Légaré. Elle a 32 ans. Elle doute, jusqu’à ce que le pinceau se révèle instrument d’un silence tout en musique, baguette magique orchestrant des taches et des formes en harmonie. Jean-Paul Ladouceur, Gilles Archambeault et Jacques Hébert confirment la pertinence de sa propre sensibilité d’aquarelliste. Le peintre américain Frank Web deviendra son mentor. « Il a su ouvrir les portes de ma cage. Me parler du privilège du peintre… me montrer les qualités d’un vrai tableau et, ainsi, m’amener à voler à tire d’ailes… Un tableau, pour moi, c’est une variation sur un thème, un tableau, ça vit, ça rit, ça pleure. »
L’artiste a ouvert bien grandes ses ailes. En 1987, elle fonde l'Association régionale de l'aquarelle (ARA) et en assume la présidence depuis 1989. Elle participe à de nombreuses expositions collectives à travers le Québec et à de nombreux Symposiums. Elle en présidera plusieurs. À sa première exposition solo, en 1992, succèdent de nombreux évènements majeurs dont sa nomination comme membre de l’Association canadienne de l’aquarelle et de l’Institut des arts figuratifs. Entre 2007 et 2013, elle expose successivement au 7e Salon international de la Société nationale des Beaux-Arts de Paris au Carrousel du Musée du Louvre, au 4e Festival artistique international de Racour en Belgique, à des expositions à Héviz et à Budapest en Hongrie, au Pavillon du Verdurier de Limoges, puis à Tulle, à Muret, à la Maison René-Magritte de Chatelet en Belgique, à la galerie du presbytère de Berne-les-Alpes sur la Côte d’Azur et au Musée national de l’aquarelle Alfredo Guati BC à Mexico.
Prompte à répondre présente quand il s’agit de rassembler et de promouvoir, Micheline Hamel fonde avec Thérèse Fournier, Les artistes de la Maestria, organisme destiné à promouvoir l'excellence du travail des professionnels en art traditionnel. La Maestria veut pallier le manque de lieux de diffusion pour des artistes figuratifs, réussissant à instaurer une galerie d’art sur la rue Racine de Chicoutimi pour y exposer les œuvres de ses membres. Son but est de dynamiser le milieu des arts visuels de la région, de soutenir les artistes de la relève, d’être la référence en Art Galerie et des ambassadeurs de notre région à l’extérieur. Elle assume la vice-présidence dès la fondation et la présidence depuis 2007.
Récipiendaire de plusieurs prix, cette artiste de la Maestria incarne l’ambassadrice modèle. Elle a mené son groupe exposer jusqu’en France à Berres-les-Alpes en 2012. De 2001 à 2007, elle occupe le poste de directrice artistique de la Rencontre des Arts à Saint-Jean-sur-Richelieu. Elle y crée le volet Symbiose, où l’art visuel rend hommage à des artistes comme Jean Lapointe, Jean-Pierre Ferland, Gilles Vigneault, Yvon Deschamps, Christine Chartrand. Et, quand elle le peut, elle provoque des liens réunissant peintres et écrivains pour jumelage entre disciplines.
Outre les cimaises, l’aquarelliste met aussi son talent à l’illustration de programmes souvenirs, de calendriers au service d’une cause caritative, de livres : FlûtAventure d’André Tremblay, Le Déluge ou le journal d'un insoumis de Russel Bouchard et la biographie de Louis Hémon, Le fou du Lac de Mathieu Robert Sauvé.
La palette de Micheline Hamel ne porte pas que des couleurs. On y retrouve le poids des causes qu’elle défend : l’enseignement des arts aux enfants, la défense du patrimoine religieux, ou encore le Centre Alpha du Haut-Saguenay. Elle fait siens les fardeaux des autres de la même façon qu’elle a puisé dans son art la formule colorée capable de transformer les aigles noirs en oiseaux blancs. Comme elle dit si bien : « L'aquarelle c'est la sensualité, l'effet des couleurs en réaction aux pigments, l'ambiance. La couleur c'est une lumière qui vient du fond. »
Ce soir, cette couleur généreuse nous voulons la préserver.
Le 2 juin 2018
Micheline Hamel
Musicienne et aquarelliste, cofondatrice de la Maestria
pour sa contribution exceptionnelle à promouvoir les arts
fut reçue Membre de l’Ordre du Bleuet